samedi 2 juillet 2011

Raid Golfe du Morbihan


La moitié du tour en 2010, avec un gout de trop peu. C’est comme cela qu’on se retrouve un vendredi matin 24 juin sur le port de Vannes en train de retirer son dossard pour le grand tour " 177 Km ", l’après-midi à 19 h00 sur la ligne de départ, l’air faussement décontracté.


Marie-odile (mon épouse) arrive à 18h30 à la gare de Vannes, bondit dans la voiture de sa sœur et se précipite pour venir me voir partir à 19h00. On a le temps de discuter, personne n’est pressé, les recommandations et les discours se succèdent, et le départ est donné. Du monde, une ambiance bon enfant. Je suis toujours derrière la ligne que certains sont déjà à plus de 500 mètres devant. Je me dis que parmi ceux-là certains sont très bons et inutile d’essayer de faire comme eux et que beaucoup croient être bons et finiront en panne sèche quelque part. On fait le tour du golfe dans le sens des aiguilles d’une montre et pour la première fois toutes les épreuvesvont dans le même sens, ce qui simplifie l’organisation.

Au début tout va bien et puis après Séné, vers le 20 km je sens un début de tendinite sur le bas de la jambe gauche. encore une nouveauté, mais pas la bienvenue celle là. A l’arrêt suivant je mets du gel anti-inflammatoire, gel obligatoire dans le sac. Je me dis qu’au moins je ne l’ai pas amené pour rien. En fait il déclenche une réaction d’allergie et je vais me retrouver avec d’abord une grosse rougeur et petit à petit un œdème qui va faire bien gonfler la jambe. Le parcours s’allonge, pas de réelles difficultés mais nombre de petits escaliers, de barrières pour empêcher le passage des vélos ou des chevaux sur le GR, d’herbes ou de buissons qui ont bien poussés et qui cachent certains pièges du chemin.
On chemine ainsi sur une ligne très sinueuse, qui épouse tous les contours du Golfe. De belles maisons, quelques très jolies églises, dont une romane, je ne sais plus trop où, des marais salants qu’on passe de nuit, les lampes frontales comme des lucioles. On s’enfonce dans la nuit, en essayant de faire attention où se posent les pieds, parfois un juron (de la part des autres concurrents s’entend) et on se rend compte que progressivement on se retrouve quasi seul. Curieux après la foule des premières heures. Aux ravitaillements de nuit, c’est le silence bien souvent. Certains sont sereins, d’autres doutent déjà. Quelques-uns courent en duo ou en trio, c’est souvent le cas des premières femmes qui me semblent toujours encadrées. A part la tendinite je vais très bien, mais je me pose des questions sur l’avenir. Je ne suis pas sûr de terminer. J’aimerais toutefois aller jusqu’à Locmariaquer, pour pouvoir traverser en Zodiac cet endroit magnifique et parce que j’aurais ainsi bouclé en deux fois le tour du Golfe. Les kilomètres s’écoulent, certains trajets me paraissant particulièrement longs.
L’organisation s’est sûrement trompée, c’est plus long que ce qu’ils annoncent !!! Je me ferais plusieurs fois cette réflexion et je ne serais pas le seul. Et pourtant c’est faux. Comme quoi il y a beaucoup de relativité en tout. Sur le parcours je songe au livre que je lis en ce moment « Plaidoyer pour le bonheur » de Mathieu Ricard fils de Jean-François Revel et du peintre Yahne Le Toumelin, autrefois scientifique et de puis près de 40 ans moine bouddhiste. C’est un livre que j’adore car il montre une manière d’être si loin de la manière occidentale que le lecteur ne peut pas faire l’économie de se poser beaucoup de questions essentielles. Bien sûr l’esprit ne se concentre pas très longtemps et la course est propice à laisser l’esprit vagabonder. Je pense aussi au début d’un livre de Nicolas Bouvier « Un voyage se passe de motifs. Il ne tarde pas à prouver qu'il se suffit à lui-même. On croit qu'on va faire un voyage, mais bientôt c'est le voyage qui vous fait, ou vous défait ». La course c’est ici le voyage.

Et c’est vrai que cette course va défaire 43% des coureurs.

J’aime cette errance, le monde se réduisant à la tache de lumière de la lampe frontale et les bruits de la nuit. A chaque fois que je croise un des nombreux bénévoles, j’échange quelques mots. Ils sont au total 750. Il fait bon, j’apprendrais un peu plus loin que nous ne sommes pas descendu en dessous de 13.5 degrés. L’aube commence à poindre, il fait déjà bien jour à 6heures. La lumière est magnifique, Port-navalo approche. Je rencontre une joggeuse du matin, on chemine un petit moment ensemble. Elle a un tee-shirt de la course des quatre châteaux, en vallée de Chevreuse, belle course que j’ai faite plusieurs fois. Nos chemins se séparent. Je la croiserais un quart d’heure plus tard non loin du lieu d’embarquement pour Locmariaquer. Le Zodiac est là, on s’entasse au fond avec une cape et un gilet de sauvetage. Dix minutes de traversée et c’est la deuxième partie qui commence. Je ne peux pas courir, le bateau m’a refroidi et la tendinite se fait sentir. Il ya deux kilomètres jusqu’au ravitaillement. Je les fais comme je peux. Ouf, j’estime que le contrat moral est tenu. Je suis prêt à m’arrêter si le médecin me le conseille très fortement. Enfin, je dis cela maintenant, mais comme il ne m’a rien dit je ne sais pas trop comment j’aurais réagi. Un anti-inflammatoire oral, du doliprane, un bon repas (purée, jambon, fromage), tout cela pour un arrêt de plus d’une heure. C’est vrai qu’il faut relancer la machine après un tel arrêt.


Marche donc avant de retrouver la capacité de trottiner. Il est moins de 10 heures samedi matin, je me dis que 79 kilomètres c’est possible.

Et le trajet s’égrène en compagnie d’autres coureurs, cette fois ci de jour, sur chemin côtier ou non, jusqu’à Crach où je fais le tour d’un parc qu’il fallait juste traverser. Ce qui fait que je doublerais plusieurs concurrents qui me croyaient devant, car je les avais passé auparavant. Cette mésaventure m’arrivera une nouvelle fois avant Larmor-Baden, un trou de souris où il fallait se faufiler ayant échappé à ma vigilance. J’arrive à St Goustan, vieux port d’Auray à midi. Beaucoup de tourisme déjà. Les gens nous encouragent, ce qui aura été le cas sur tout le parcours. Arrêt pour se ravitailler, retirer les petits cailloux qui sont dans les chaussures comme à chaque arrêt, et c’est reparti vers le vieux pont à latte de bois du Bono, là où on passe lors du semi Auray-Vannes. Il commence à faire bien chaud, mais la petite brise marine permet de continuer à apprécier le paysage. Avant Baden pas mal de goudron. Pas très drôle et sur le goudron je marche de toutes façons.


On est maintenant souvent vraiment sur le bord du golfe et l’épreuve des 86 kms et des 56 kms va passer par là. Je dépasse de temps en temps du monde, mais ce qui reste est très éparpillé. A chaque fois je marche un moment avec eux et on se quitte. C’est aussi pour cela que j’aime bien ce tour. La convivialité est présente entre les coureurs pour l’immense majorité d’entre eux. Arrivée à Larmor Baden dans un terrain au bord de la plage, remplie d’une population qui adore le soleil, la plupart du temps à l’horizontale. Je pense que pour beaucoup, à leurs yeux, nous sommes des fous. Nous nous pensons la même chose de ceux qui sont en train de se faire bronzer. Comme quoi les visions peuvent être bien différenciées !! Le médecin me déconseille de prendre un autre anti-inflammatoire car c’est un peu toxique pour les reins qu’on sollicite déjà beaucoup en course. Encore un bon repas, comme à Locmariaquer, et je repars au bout d’une demi-heure. Comme souvent sur le bord du Golfe les propriétés sont opulentes. C’est beau, mais ce monde fait partie des happy few. Il reste 40 kilomètres, un petit marathon. Après la pointe de Penboch, que j’ai connue il y a près de 50 ans indemne de constructions, à nouveau du goudron.


Je double une concurrente, spécialiste du 24 heures apprendrais-je à l’arrivée. Sur le moment je note qu’elle est plutôt jolie fille. Je marche un moment avec elle et puis j’aperçois devant deux concurrents. Je l’abandonne et les rejoint. Je décide de rester avec eux et nous de finir ensemble. On va donc marcher, puisqu’ils ne peuvent plus courir. De toute façon je ne suis pas à une demi-heure près, je suis déjà très content de finir. Au ravitaillement d’Arradon sur la cale qui descend à la plage un peu de repos. Les premiers de la marche nordique arrivent et notamment les jeunes garçons du club de ski de fond de Chamonix. Ils s’arrêtent à peine et repartent à fond de train. Nous ne suivons pas le même chemin qu’eux pour le moment mais on se retrouvera plus tard. Dans les bois quelques kilomètres plus tard les nordiques nous dépassent. Un coach d’un certain âge n’arrête pas d’encourager ses poulains de sa voix de stentor. L’un d’entre eux me semble déjà au bord de la rupture.. Je suis surpris de voir que certains d’entre eux n’ont pas le super profil d’athlète de haut niveau. Les femmes marchent bien. On finit par arriver au Moustoir, avant dernier contrôle. Dans la descente certains nordiques trottinent. On leur dit en plaisantant qu’on va prendre leur N° car on ne court pas en marche nordique. Arrivés à Bernus on retombe sur le chemin du marathon de Vannes.


C’est plat et large. On se fait un petit plaisir en remontant les nordiques. Mais on finit par les laisser partir car l’un d’entre nous a du mal à suivre et puis l’arrivée n’est pas loin, autant en profiter. Tour de la presqu’île de Conleau et retour le long de la rivière vers Vannes. Toujours un flot de marcheurs nordiques qui nous dépassent. Pas loin de l’arrivée le GPS d’un d’entre nous s’arrête. Il veut changer des piles pour ne pas perdre un morceau du parcours. Moi je continue, je les attendrais avant de franchir la ligne. Je franchis la passerelle sur le pont et j’arrive enfin. J’attendrais près de 10 minutes, l’un de mes deux compagnons vomissant deux fois dans le dernier kilomètre. Pendant ce temps le speaker me demande si j’ai doublé une femme. Je lui dis que oui et qu’elle s’appelle Chantale. Jolie fille, me dit dit-il. Je ne nie pas. Chantal Tregout dit il alors et c’est lui qui m’apprend que c’est une habituée des épreuves de 24 heures. Mes compagnons arrivant enfin, on passe la ligne d’arrivée bras dessus-dessous. Il est 23 heures, la lampe frontale est restée dans le sac. Ensuite c’est comme pour tous, le tee-shirt finisher, il a de la valeur celui-là, la restauration. Ludovic vient s’y installer avec toute sa troupe. On échange quelques mots. Ma belle sœur m’appelle à 23h35 elle vient de finir le 28 km, super pour quelqu’un qui n’a pas d’entrainement. Après une bonne douche je m’endors vite en pensant à ceux qui sont toujours sur le tour, le contraire aurait été dommage. Petit déjeuner à 07h et on retourne à Vannes chercher Marie-Odile qui arrive avec Michel et Corine. La journée s’annonce chaude, très chaude. Pas de courbatures alors que je n’ai fait aucun étirement (chut !!!).

Conclusions : Ce n’est pas parce que cela s’est bien passé qu’il est possible de prévoir la fois prochaine. Je suis très heureux d’avoir pu mener cette course au bout. Pour l’an prochain il faut des représentants du RIF sur toutes les distances. Je remarque qu’un V4 de plus de 80 ans a fait le grand tour en 38 heures, donc avis aux amateurs. Je ne sais pas ce qui à donné des ailes à Ludovic sur le 28 km mais le résultat est là. Bravo. Il parait qu’Alain va s’inscrire l’an prochain ; reste à fixer la distance.

Olivier