ECO-TRAIL DE
PARIS 2016 - 80 km
1ère
en Marche Nordique
La Marche
Nordique, c’est pas du bidon !
Ah, l’Eco-Trail de Paris !
Déjà une longue histoire…
2008, c’était la première édition
de l’épreuve (80km uniquement) … et mon tout premier trail !
Une époque où je me demandais sérieusement
« mais comment font ces fous pour courir de telles distances ??! ».
Avec le chemin parcouru depuis lors (UTMB, Marathon des Sables…), cette
réflexion me fait bien sourire à postériori, même si le challenge d’un 80km n’est
jamais anodin.
Bien d’autres participations ont
suivi (80 et 50), jusqu’à 2013 et la découverte « forcée » de la
Marche Nordique (MN)… conclu par un succès inattendu sur l’épreuve !
J Présent à toutes les
éditions, 2015 fut même l’occasion de participer différemment, en œuvrant comme
« conseiller technique » et juge sur la Marche Nordique.
16 Mars 2013 30 km Marche Nordique chronométrée
29 Mars 2014
(30km MN)
16 mars 2015 (organisation MN)
Bref, à l’approche de 2016, la
question s’est résumée à : « et maintenant, qu’est-ce qu’on se fait ?! »
Hésitant entre 2 défis : viser
une nouvelle perf’ sur le 30 MN, et essayer le 80 en 100% MN (!), j’ai
finalement décidé d’opter pour la tentative d’une première :
Réussir le 80 en
marchant… à très bon rythme !
La première chose avant de me
lancer a été d’essayer d’évaluer la faisabilité, en regardant les barrières
horaires.
Pour faire simple, il s’agit d’aller
au moins du 6,5 km/h pendant plus de 12 heures d’affilée. Si on tient compte du
dénivelé (1500m), cela correspond même à l’équivalent de 7,5km/h sur du plat…
A mon crédit : une large et
double expérience de la MN et des très longues distances en trail.
En ma défaveur : aucune
pratique combinant longue durée et vitesse, sans courir.
Ceci étant, pour l’avoir
largement testé sur de grandes courses, la
pratique de la Marche Nordique est un vrai plus en trail à double
titre :
ü A
l’entrainement, la MN soulage très utilement les articulations (chocs 4 fois
moindres qu’en course à pied) et permet de bien s’améliorer sur les parties en
dénivelé.
ü En
course, la MN contribue à bien gérer le rythme et avancer avec plus
d’efficacité dans la durée. Les efforts sont particulièrement optimisés.
D’ailleurs de nombreux amis l’ont
intégré avec succès dans leur préparation et progression en trail. Même les
meilleurs mondiaux savent utiliser les bâtons dans les courses de montagne pour
mieux grimper. Xavier Thévenard, double vainqueur de l’UTMB, l’a largement
démontré.
Finalement, le défi de
l’Eco-Trail, qui est une course assez rapide où l’on court majoritairement, s’annonce
comme une capacité à garder un rythme soutenu.
SEMAINE DE COURSE :
Partagé entre excitation et
appréhension, j’alterne entre confiance raisonnable et crainte d’excès
d’optimisme. Depuis le 1er Janvier, je me suis bien entrainé (7h par
semaine en moyenne, y compris de nombreuses reconnaissances de parties du
parcours) et conclut que…
C’est en tentant le défi qu’on verra bien ce que ça donne !
J’ai la chance d’être invité en
tant qu’ancien vainqueur et hérite (clin d’œil ?) du dossard 1968, mon année de
naissance… à moins que cela soit en référence à la Révolution… par la Marche
Nordique ! ;-) ;-)
Dernier signe favorable qui me
donne la pêche : au moment de partir rejoindre le départ, je retrouve ma
récente médaille des France MN que je recherchais désespérément depuis 3 mois J
Toute juste le temps d’aller
profiter de mes amis au départ de l’Eco-Trail 30 MN et je fonce vers Saint
Quentin en Yvelines. Je fais encore le plein de positif avec tous mes amis
Kikoureurs au départ.
Toute courses confondues, la
communauté sera encore représentée par plus de 70 coureurs venant de toute la
France !
DEPART :
Sur le 80, nous sommes près de 2100
inscrits et 1800 à partir quand retentit le coup de pistolet. Le peloton s’ébroue
et, sur les 3-4 premiers kilomètres, je me fais gentiment dépasser par le flot
des coureurs (à l’exception d’un malotru un peu agressif !). Je salue de
nombreux amis et nous nous souhaitons bonne chance.
Petit à petit je me trouve dans
la paisible queue de peloton, mais loin d’être le dernier pour autant, car
j’avance à plus de 8 km/h quand même…
Pour le 1er ravitaillement
(Buc 23km) il faut viser du 7-7,5km/h pour passer la barrière horaire. Et au
bout de 3h, il faudra être à peine essoufflé car cette partie est la plus
facile, et correspondant à peine au premier quart de la course.
Un Kikoureur, Rodolphe alias « Namtar »
(n°1480), m’a rejoint et nous entreprenons toute cette première partie
ensemble. C’est bien agréable et les 20 kilomètres qui suivent passent d’autant
plus vite. Je tiens ma vitesse de 8 km/h sans difficulté et me sens en pleine
forme.
A la sortie des étangs de la
Minière, au 18e km, une première surprise avec PatFinisher qui, en
plus de ses panneaux d’encouragements, a carrément déroulé un tapis
rouge !! Tout en filmant, Il me met gentiment la pression J
Quelques premières côtes me
permettent déjà de doubler rapidement plusieurs coureurs. Je sens que je prends
un peu d’avance sur mon objectif tout en restant dans un rythme sans excès.
Buc – 23km : 2h55 (objectif 3h10) – 1727e
J’arrive donc avec 1/4h d’avance
et ne m’attarde pas (juste un plein d’eau par sécurité et le rangement de ma
veste dans mon sac). Il fait un peu moins froid et surtout je sens que ça ira
parfaitement jusqu’à la nuit.
Le temps de souhaiter bonne
chance à Namtar, c’est désormais la fameuse montée de « l’Alpe
d’Huez » (80m de dénivelé). Pour une fois Jean-Luc, alias « Tonton
Trailer » n’est pas là pour les photos… trop occupé à exploser un chrono
de -4h30 sur le 50km !
Avec l’enchainement des côtes, je
double en continu de plus en plus de coureurs. Le mode Pacman est
enclenché J.
Je tourne régulièrement à 7 km/h (contre un objectif de 6,5) malgré le dénivelé
incessant. C’est aussi un bonheur de retrouver tous ces chemins si souvent
arpentés par le passé… mais « abandonnés » depuis 4 ans et mon arrêt
forcé du running à l’entrainement.
Nous rentrons dans la jolie forêt
de Versailles, quand un coureur (n°349) m’interpelle, soulignant qu’il remarque
bien le « pro de la Marche Nordique » ;-) Nous discutons
agréablement quelques minutes et nous encourageons mutuellement. Il espère
finir, après un échec l’an passé… (et terminera 5mn avant la limite !)
Un peu plus loin, je retrouve un
coureur (n°1987) qui m’avait intrigué au départ, car avec un charmant marmot en
poussette ! Nous sommes au 34e km et il souffre dans la
montée… Il doute de finir mais « se contentera de faire déjà un bout de
chemin ». Je l’encourage alors vivement à s’accrocher et promet de parler
de son défi… ce qui le motive ! (Il réussira son pari 15mn avant la
limite J J )
Enfin, au milieu de tout ça, la
course a déjà démarré depuis 5 heures et, sans raison apparente, j’ai
l’impression d’avoir un peu moins la pêche ? Il ne faudrait pas que je
ralentisse ne serait-ce que de 0,5 km/h ! Cela pourrait bien être un léger
début d’hypoglycémie, aussi je mange quelque peu. Cela va vite mieux. Et
l’inquiétude du coup de mou ne dure pas.
Je mets quand même la musique car
le temps commence à paraître un peu long.
Velizy – 35km : 4h45 (objectif 5h05)
36e kilomètre, et nous
rentrons dans la forêt de Vélizy. J’aperçois un lot de coureurs manifestement
en train d’abandonner. Les dépassements me permettent de voir de plus en plus
de coureurs en difficultés, dont la plupart sont encore peu aguerris… m’avouant
souvent faire leur tout 1er ou 2e trail de ce type. Avec
certains, c’est aussi un yoyo permanent car je les côtoierai pendant des
heures !
C’est aussi l’occasion
d’apercevoir de nombreux concurrents venant de l’étranger, jusqu’aux
Philippines même ! Il y a plus d’une quinzaine de pays représentés, y
compris des Américains, Japonais et… 40 Norvégiens. Petit à petit la course
attire du monde de partout, et la Tour Eiffel est certainement un énorme
attrait. En fait quand j’en discute autour de moi, c’est une motivation majeure
que de monter au 1er étage. Moi-même suis tout excité à cette idée…
Kilomètre 41 quand nous
franchissons le pont qui surplombe la N118… Et bien, je suis ravi ! C’est
la fin du terrible « Mordor » (Yvelines)... et je rentre enfin dans
« mes terres du Gondor ». Il reste encore un bon bout de chemin, mais
je joue désormais à domicile
J
Je retrouve vite « ma »
cote de l’Anémomètre (40m D+) que je travaille souvent en boucle.
En haut un coureur me
félicite et je l’encourage à mon tour.
Kilomètre 43 et une vive
inquiétude me traverse : après mon talon droit et son inévitable ampoule
(liée aux semelles orthopédiques), c’est le talon gauche qui me lance
subitement. Je réalise alors n’avoir rien prévu pour les soigner et le ravito
de Chaville est dans 2 heures ! Or une brûlure peut vite vous ruiner le
rythme et la course…. Je tente de changer un peu ma foulée et miracle, la
douleur s’estompe J
Enfin nous voilà dans le
magnifique domaine des Apprentis Orphelins d’Auteuil. Je profite de la
découverte de ces lieux somptueux avec une vue dégagée sur la capitale.
Apprentis Orphelins d’Auteuil – 46km : 6h28 (objectif 6h40)
– 1619e
Petit plein d’eau avec l’idée de
tenir ainsi jusqu’à St Cloud. Il va faire nuit mais je retarde la sortie de la
frontale et veste. Curieusement, sans vent, il fait encore assez
« doux ».
Nous enchainons vite avec
l’entrée dans le Parc de l’Observatoire. C’est toujours aussi beau malgré une
journée bien grise. Encore quelques photos et je profite des ultimes minutes du
jour.
Il fait nuit et je suis les
frontales devant moi avec l’idée de prendre la mienne à la sortie du Parc. Mais
quand j’y suis, ma lampe ne marche pas à cause d’un faux contact !
« Euh ça va pas être
possible là ! » mais finalement après plusieurs essais, tout en
marchant évidemment, elle finit par s’allumer J
Je repense alors à mes amis de la
MN chrono passés quelques heures avant et tente d’imaginer la bataille. Un peu
plus tôt dans l’après-midi, j’avais appris les résultats et notamment la très
belle 3e place de mon ami Bart. Depuis cet instant, sa performance
me booste.
Ce n’est pas de trop car mon
avance, qui aura culminé jusqu’à 25mn sur le tableau de marche, s’est réduit à
une dizaine de minute. L’écart est assez constant mais révélateur de l’étroite
marge dont je dispose. Il ne faut pas que je m’endorme une seconde !
La plus grosse surprise arrive
alors. Il fait bien nuit et nous sommes en pleine forêt quand j’entends :
« Allez, bravo
champion ! » Interloqué, je me retourne et découvre… Léo ! mon
fils ainé.
« Mais comment tu m’as
trouvé ?? sans connaître, ni le parcours, ni ces lieux, ni mon
Roadbook ?? »
C’est oublier qu’un Geek est très
dégourdi ! Il a géolocalisé mon Iphone et regardé en parallèle où il se
trouvait… Cela me fait diablement plaisir et m’encourage vivement.
Chaville – 56km : 8h09 (objectif 8h15) – 1526e
Au ravito, j’envoie mon habituel
bulletin SMS + photo à la maison : tout va bien !
Je m’offre une petite soupe mais
elle est brulante et impossible à boire. En plus, en 3 minutes, j’attrape déjà
froid. Je repars donc très vite vers la
suite. Le terrain est archi-connu pour moi. J’ai même dû répéter intégralement cette
partie 3x fois dans les quinze jours précédents.
Enchainement de grandes descentes
et montées et voici maintenant les étangs de Ville d’Avray. Je rate de peu mon
ami Jacques mais me console avec toujours beaucoup de SMS d’encouragement.
Marne la Coquette : comme
inscrit sur mon Roadbook, je rentre pile à 21h40 dans le Parc de St Cloud. Cela
maintient bien la pression pour ne pas ralentir.
A hauteur du Stade Français, je
commence à avoir trop froid et sort enfin ma veste, sans même attendre le
ravitaillement proche.
La grosse côte qui y mène est
avalée goulument en doublant quelques coureurs.
St Cloud – 70km : 10h09 (objectif 10h05) – 1456e
Je prends une nouvelle soupe mais
elle encore trop bouillante. « On va la laisser refroidir le temps d’une
photo »… mais ne peux quand même quasiment pas l’avaler.
Plus qu’une dizaine de kilomètres.
Je suis maintenant totalement confiant d’arriver au bout, mais aimerais bien
arriver à la Tour avant minuit, et finir Samedi plutôt que
Dimanche ;-)
Ça s’annonce juste, mais pas
impossible…
Les quais ne sont pas terribles à
cause des travaux mais en 2017 (?) cela devrait de nouveau être très sympa.
Pour l’instant, il y a la nouvelle grimpette vers la côte des Gardes, et je
souris à l’idée des têtes que certains ont dû faire en voyant cette difficulté
inédite. Le bruit de mes bâtons à 23h doit aussi agacer un peu dans les
immeubles environnants ;-)
Enfin, je n’ai qu’une chose en
tête, retrouver ma petite famille à l’entrée du Parc de l’Ile St Germain.
Le Roadbook annonçait 23h10 et…
je passe à 23h10 !! J
Ile St Germain – 74km : 10h55 (objectif 10h55)
Une bise à Marie et aux enfants
et c’est reparti pour les 5 derniers kilomètres. J’avance à presque 7 km/h mais
cela va être juste pour finir Samedi…
La ligne droite des l’ïle aux
Cygnes me paraît interminable mais dès le pont de Bir Hakeim, je savoure
l’arrivée proche. Plus que quelques mètres quand la Tour se met à scintiller !
Mince, il est minuit J
Pas grave, il faut profiter du
spectacle.
Les passants m’encouragent et
applaudissent ma montée des marches 2 par 2.
Passage devant le podium de la
course avec un commentaire quelque peu étonné et admiratif du speaker.
Le moment est magique car
tellement attendu, tandis les spectateurs vous font triplement savourer le
moment. Je choppe mon ticket pour la montée et le range soigneusement.
Allez Go pour les marches !
Je les attaque 2 par 2 mais, comme en 2008 (!), me rend vite compte combien
c’est mortel.
Ça me semble interminable, et en
même temps, je tente d’en profiter car ce plaisir va trop vite passer.
Enfin la ligne : Yes !!! Je l’ai fait J J
Tour Eiffel – 80km : 11h55 (objectif 12h00) – 1453e
Quelques photos et direction les
récompenses : un joli T. Shirt de finisher + une médaille sympa. Tout le
monde est joyeux malgré le froid et je découvre sur le tableau d’affichage un
très joli classement : 1449e !!! (le classement final sera
1453e avec quasiment 350 personnes derrières (170 finishers après
moi + 170 abandons)
Sophie, ma petite sœur, est
arrivée 1 minute trop tard mais me récupère en bas ! Il fait froid et sa
présence est une belle surprise qui me permet de bien finir la soirée :
plat chaud à l’arrivée et retour à la maison à ses côtés.
Epilogue :
Le lendemain, quasiment aucune
douleur, juste de la fatigue et deux grosse ampoules aux talons, et surtout la
grande satisfaction et fierté d’avoir relevé le défi.
La conclusion saute aux yeux :
le niveau en Marche Nordique a énormément progressé et ses représentants ont des
niveaux plus que respectables, avec toute leur place au côté des coureurs.
La frontière est de toute façon
ténue en Trail et je suis persuadé que nous sommes nombreux à pouvoir relever ce
genre de défis, y compris sur des courses roulantes comme l’Eco-Trail.
D’ailleurs, plusieurs amis
Marcheurs semblent déjà tentés pour tenter l’expérience du 80 en 2017 !
A suivre…
Bertrand